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18 juin 2009, l'affaire Courjault révélateur du déni de grossesse

18 juin 2009, l'affaire Courjault révélateur du déni de grossesse

Le 18 juin 2009, Véronique Courjault était condamnée à huit ans de prison pour trois infanticides. Un verdict jugé "plutôt clément" qui tenait compte de son déni de grossesse. Retour sur cette affaire qui avait débutée en 2006 en Corée. 


Par la rédaction de l'INA - Publié le 17.06.2019 - Mis à jour le 17.06.2019
 
Le 18 juin 2009, Véronique Courjault était condamnée par la Cour d'assises d'Indre-et-Loire à huit ans de prison pour trois infanticides, un verdict jugé "plutôt clément" inspiré d'une notion médicale mal connue : le déni de grossesse. Retour sur l'affaire des "bébés congelés"qui avait débutée en 2006 en Corée...

En juillet 2006, Jean-Louis Courjault, son épouse Véronique et leurs deux enfants vivent en Corée depuis quatre ans. Le 23 juillet 2006, alors que sa famille est en vacances en France, Jean-Louis Courjault, seul à Séoul, découvre dans le congélateur de sa maison deux corps de bébés congelés. La stupeur passée, l'expatrié prévient la police coréenne. Il rejoint sa famille en France. Ainsi débute une affaire incroyable qui trouvera son épilogue trois ans plus tard en 2009. Le couple affirme dans un premier temps que les bébés ne sont pas les leurs. Affirmation mise à mal quelques jours plus tard lorsque des tests ADN pratiqués par les autorités sud-coréennes authentifient les nouveaux-nés comme étant bien du couple Courjault. Qui dit vrai ? La stupeur est générale.

"Nous sommes victimes d'un terrible lynchage..."

22 août 2006. Dans le mois qui suit la macabre découverte, le couple soudé reste sur ses positions et dément l'accusation au cours d'une conférence de presse. Ils réfutent tout lien génétique avec les deux bébés retrouvés morts à leur domicile à Séoul et précisent qu'ils ne rentreront pas en Corée du Sud. Jean-Louis Courjault affirme : "Nous sommes victimes d'un terrible lynchage médiatique, il nous est donc impossible de nous défendre là-bas." L'avocat de la famille s'insurge contre les méthodes coréennes : "vous savez ce que c'est mon dossier ? C'est un presse-book. Je n'ai que des articles de presse. On me parle d'expertise ADN que je n'ai pas. Le dossier de la justice française est vide. Les seuls éléments que l'on a dans ce dossier ce sont les dépositions des époux Courjault en qualité de témoins."

Les Courjault restent libres. La justice française attend les résultats de l'expertise coréenne pour avancer dans l'instruction du dossier. La police Sud-Coréenne quant à elle fait savoir qu'elle attend la pleine coopération des autorités françaises dans l'affaire qu'on commence à appeler "des bébés congelés". Pour la police Sud-Coréenne, pas de doute, madame Courjault est bien la mère des deux enfants retrouvés morts. Elle se base sur des analyses ADN réalisées grâce à des prélèvements de tissus qui étaient stockés dans une clinique où Madame Courjault a été opérée. Le couple continue de clamer son innocence.

L'ADN parle... 99,999%

12 octobre 2006. Énorme rebondissement. Les analyses ADN réalisées en France confirment les premières conclusions coréennes sur les liens de parenté entre Véronique Courjault et les deux bébés retrouvés dans le congélateur familial en Corée, en juillet. Les époux sont placés en garde à vue à Tours. Philippe Varin, procureur de la République de Tours confirme qu' :"il y a un indice de probabilité de 99,999% que le couple Courjault soit bien les parents des enfants décédés." Le couple solidaire ne change pas sa ligne de défense, ce que souligne leur avocat M° Marc Morin : "Ils se sont présentés à la police, ils ont fourni leur ADN. Alors, après la vérité... je ne sais pas s'ils la connaissent. Je ne sais pas qui la connait. L'histoire est écrite…"

Une question demeure. S'il est bien le père, pourquoi Jean-Louis Courjault a-t-il prévenu la police ? Comment son épouse a-t-elle pu être enceinte à son insu ? Et de quoi sont morts ces enfants ? Ce sont à ces questions que devraient répondre l'information judiciaire.

Le procès du déni de grossesse

Janvier 2009. Un non-lieu est prononcé pour Jean-Louis Courjault (mis en examen pour complicité d'assassinat) qui a toujours assuré ne pas avoir eu connaissance des grossesses de sa femme.

Le procès qui suit va mettre en lumière un phénomène rare : le déni de grossesse et la dénégation. Une grande partie des débats traiteront de ce trouble complexe et méconnu. Le verdict ne retient pas la préméditation pour le premier infanticide. Simone Lamiraud-Laudinet, experte-psychologue au procès explique la différence en déni et dénégation : "le déni, c'est le propre d'un sujet qui ne sait pas. Par exemple dans le cas d'une grossesse, le sujet n'a pas conscience de son état gravide. Il ne le reconnait pas. En revanche dans la dénégation, le sujet sait et annule cette connaissance. Dans la dénégation, il y a une conscience d'une état, d'être enceinte."

Les experts expliquent que Véronique ne veut pas ressembler à sa mère, une femme écrasée par les taches domestiques et les grossesses. Le professeur Israel Nisand, chef du département gynécologique-obstétrique du CHU de Strasbourg témoigne à la barre sur le déni de grossesse, une pathologie grave et méconnue, cet enfant qui se développe à l'insu de la femme. il conclura : "ces femmes sont malades. Ce n'est pas la prison qui peut les soigner." Devant les journalistes, à la sortie du tribunal, il explique : "un enfant c'est une construction de l'esprit. La grossesse psychique ce n'est pas pour rien qu'elle dure neuf mois. C'est tous les rêves, les fantasmes sur l'enfant, la manière dont on le replace dans la filière généalogique... C'est tout ça la grossesse psychique. Sans grossesse psychique, il se développe de la chair humaine mais pas un enfant."

A la veille du procès pour infanticide, ce reportage revient sur ce drame. Véronique Courjault a reconnu trois infanticides, deux en Corée en 2002 et 2003 et un autre en France en 1999, un bébé qu'elle a incinéré dans sa cheminée dans sa maison.

Sa belle-mère reconnait que Véronique "n'a pas pu affronter tout le monde en disant c'est moi. Elle n'a pas eu la force de le faire."  Étonnamment calme, elle ajoute, compatissante : "Ce n'est pas une sorcière… Elle nous a menti, trahi, non, mais menti oui. Je pense que d'une manière ou d'une autre, tous les gens qui ont des problèmes psychologiques mentent." Personne n'avait perçu "sa grande détresse psychologique. Elle avait déjà annonçait ses deux premières grossesses tardivement… ce qui prouve qu'elle avait déjà un problème… Il l'aime toujours, il ne peut pas la laisser tomber et il a raison. On est tous responsable d'elle".  Son époux, d'abord suspecté de complicité avait déjà bénéficié d'un non-lieu, il déclarait alors : "Qu'on ne puisse pas voir qu'une femme est enceinte à neuf mois de grossesse,c'est difficile à comprendre et pourtant ce sont des choses qui existent."

Son avocat, M° Henri Leclerc reconnait également le caractère affreux de ces actes commis par sa cliente mais souligne que "ces actes elle ne les comprend pas elle-même. Cela lui procure une immense douleur de les avoir commis mais c'est tout le problème et je crois que peu de gens comprennent."

Le 18 juin 2009, Véronique Courjault est condamnée par la Cour d'assises d'Indre-et-Loire à huit ans de prison pour les trois infanticides. Avec les remises de peine, elle peut espérer sortir dans l'année. Son époux est soulagé soulignant le lien exceptionnel qu'il a eu avec sa femme pendant ce procès : "il va falloir reconstruire une famille qui a vécu un séisme."

Un verdict jugé "plutôt clément". On estime alors que sa détention ne devrait pas durer plus que quelques mois.

Le 17 mai 2010, la justice décide la mise en liberté conditionnelle assortie d'une interdiction de communiquer avec la presse.

Les deux bébés nés en Corée ont aujourd'hui un état civil et une sépulture. Ce sont les deux grands frères qui ont choisi leur prénom : Alexandre et Thomas.

Florence Dartois


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