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Jean-François Clervoy : « On m’a réveillé dans la nuit » pour Apollo 11

Jean-François Clervoy : « On m’a réveillé dans la nuit » pour Apollo 11

Le 24 juillet 1969, Neil Armstrong, Buzz Aldrin posaient le pied sur la Lune devant des centaines de millions de téléspectateurs. Parmi eux : le jeune Jean-François Clervoy, alors âgé de 10 ans. Pour l’Ina, celui qui allait devenir astronaute se remémore ce moment.

Par Jérémie Gapin - Publié le 18.07.2019 - Mis à jour le 22.07.2019
 

Quel est votre souvenir le plus marquant d’Apollo 11 ?

Déjà, j’étais préparé parce que je sortais du CM2 et les professeurs nous avaient préparé à cet événement. Ils nous disaient régulièrement qu’il y avait une mission vers la lune, que les hommes allaient se poser et que ça allait se passer très vite. Ils disaient aussi que, plus grands, nous pourrions acheter un billet pour passer un week-end dans l’espace. Le jour même, je me souviens que mes parents nous ont réveillés, mon frère et moi, au milieu de la nuit pour nous mettre devant la télévision afin d’assister en direct à ces premiers pas. Je ne connaissais rien en géopolitique et à l’époque, je n’ai jamais ressenti que les Américains avaient battu les Soviétiques. Mon ressenti sur le moment, c’est que nous, les humains, étions capables de le faire et que nous allions pouvoir voyager dans l’espace régulièrement. C’était fabuleux !

Jean-François Clervoy

Vous souvenez-vous de l’ambiance en France à l’époque ?

On parlait de ça partout. On en parlait à la radio, dans les journaux. D’ailleurs, j’ai récupéré des journaux de l’époque et Apollo 11 a été un des premiers records de la mondovision (selon les estimations, entre 500 et 600 millions de téléspectateurs ont assisté aux premiers pas sur la Lune, ndlr). En plus, mon père était pilote de chasse donc on était vraiment dans l’ambiance, avec les difficultés technologiques de l’époque. J’ai baigné dedans. J’admirais à la fois la prouesse et l’intelligence humaine capables d’avoir conçu, préparé et testé les vaisseaux qui ont permis cet exploit. Nos parents nous incitaient aussi à participer à des jeux collectors. Il y avait ceux des yaourts Mamie Nova. Des petits calepins dans lesquels il fallait mettre les photos des grands noms de l’époque, comme Gagarine. En plus c’était l’époque de la série Star Trek que j’adorais et dans laquelle disait le capitaine Kirk : « Notre mission : explorer les mondes étranges, rechercher de nouvelles formes de vie et civilisations, aller avec audace là où on n'est jamais allé. » C’est littéralement ce que l’on fait dans les grandes agences spatiales aujourd’hui comme l’ESA ou la NASA. D’ailleurs, je continue de citer Star Trek lors de mes conférences.

Est-ce que la mission Apollo 11 vous a donné envie d’aller dans l’espace et de faire ce métier ?

Pas forcément. En même temps, mon père nous emmenait voir des compétitions de voltige ou de parachutisme… Apollo 11 est un facteur certain, il a déclenché un véritable intérêt pour les activités spatiales. Gamin, ça m’a fait rêver d’aller dans l’espace, mais je ne me disais pas : « Tiens j’ai envie de faire un métier qui consiste à aller dans l’espace ». Vous savez, on peut rêver d’aller dans l’espace comme on rêve d’aller à la mer ou à la montagne.

On se souvient des missions Apollo 1 et Apollo 13 qui ont connu des dénouements tragiques ou compliqués. Avez-vous eu peur au moment de partir lors de votre première mission en 1994 ?

Non. La peur est un phénomène lié à l’inconnu. Quand vous avez un plan pour vous sortir d’une situation anormale, c’est toujours plus rassurant que de faire face à l’inconnu. Nous, quand on part, on est totalement prêts. On a répété et on est préparé. A la limite, ça fait plusieurs mois que l’on sait qu’à ce moment-là, le job consistera à enfiler la combinaison, aller dans le bus puis le cockpit de la navette. Au moment où ça arrive, c’est normal dans notre vie. C’est un peu frustrant de le dire mais le pire, c’est Neil Armstrong qui a dit : « I was just doing my job (je faisais juste mon travail). » C’est vraiment ce qu’il ressentait au fond de lui. Alors bien sûr, on est très excité parce qu’on sait qu’on va y aller. Mais je vous avoue que durant mon premier décollage, il n’y a rien qui m’a surpris. Nous avons un plan de vol, tout en sachant qu’il faudra le réajuster en fonction des aléas, mais il n’y a pas de place pour la peur.

Le fait de ne pas être allé sur la lune constitue un regret pour vous ?

Je ne dirais pas que c’est un regret. Un regret, c’est quand quelque chose que l’on était censé faire ne se fait finalement pas. Quand je suis parti dans l’espace, le commandant de bord nous avait réuni pour nous dire : « Ecoutez, vous ne saurez jamais si vous revolerez ». Il y a toujours des raisons budgétaires, programmatiques, politiques ou médicales qui font que l’on ne fera peut-être plus jamais de vols. Il faut se dire que la prochaine mission sera peut-être la dernière. Donc je me concentre sur mon vol actuel sans penser au prochain. Et puis, j’ai eu la chance de faire trois vols, ce qui est rare pour un Européen. Après, si j’étais arrivé au moment où des vols vers la lune existaient ou se profilaient dans un avenir proche, évidemment que j’aurais aimé le faire.

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