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«Affaire Théo» : récit en archives d'un symbole des violences policières 

«Affaire Théo» : récit en archives d'un symbole des violences policières 

Mis en cause pour violences volontaires, trois policiers impliqués dans la violente interpellation de Théo Luhaka en 2017 à Aulnay-sous-Bois sont jugés devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis. Rappel des faits de «l'affaire Théo» en archives.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 08.01.2024
 

L'ACTU.

« J’ai l’impression que ce qui m’est arrivé, c’était hier. Je n’avance pas. » Interrogé par Le Parisien, Théodore Luhaka, victime d'une violente interpellation policière en février 2017 à Aulnay-sous-Bois, témoigne : « Pendant les manifestations contre les violences policières, mon nom se retrouvait aux côtés de ceux d’Adama Traoré, Zyed et Bouna (tous tués lors d’interventions de forces de l’ordre). J’avais l’impression de faire partie des morts. Maintenant que je réalise ce qui s’est passé, c’est très difficile. Je suis face à moi-même : c’est moi et moi. »

Trois des quatre policiers présents lors des faits sont renvoyés devant les assises de Seine-Saint-Denis à partir du 9 janvier. Ils sont mis en cause pour « violences volontaires ». Depuis cette interpellation, au cours de laquelle il a été violemment blessé au niveau de l'anus par un coup de matraque, le jeune homme fait en effet l'objet d'une infirmité permanente. Le policier responsable des faits risque jusqu'à quinze ans de prison.

LES ARCHIVES.

« Quatre policiers ont été placés en garde à vue. Ils sont soupçonnés de viol en réunion. Les faits se seraient déroulés jeudi, lors d'un contrôle dans la cité des 3 000, à Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. » 4 février 2017 : au surlendemain des faits, France 2 rapportait la violente interpellation de Théo Luhaka, qui avait alors 22 ans. Cet extrait est disponible en tête d'article.

Au cours de l'intervention, un coup de matraque de l'un des policiers au niveau de la zone anale lui avait provoqué une déchirure de plusieurs centimètres. « Des lésions importantes au niveau du bassin », furent constatées par les médecins à son arrivée à l’hôpital.

Le jeune homme, hospitalisé depuis les faits, ainsi que sa famille, posaient alors le mot de « viol ». Johann, beau-frère de la victime, racontait à France 2 : « Ils l'ont emmené dans une ruelle où il n'y avait plus de caméras et là, les mains menottées dans le dos, il a subi des actes de viol et des actes de barbaries qui ont continué dans la voiture. Voilà la réalité des faits. » Pour autant, les quatre policiers niaient le viol en réunion tandis qu'aucune caméra ne permettait de prouver les faits.

Les réactions à Aulnay

« Justice pour Théo, justice pour Théo ! » À Aulnay-sous-Bois, les réactions se firent vives. Dans l'archive ci-dessous France 2 avait suivi une marche de soutien à Théo. « En première ligne, des mères de famille et des proches ». Les participants s'insurgeaient : « On en a marre ! » ; « Il a 60 jours d'incapacité de travail, il est allongé à l'hôpital, il ne peut pas bouger ! » ; « On dit de nous qu'on est les voyous, mais c'est eux la vraie racaille ». Et, Samira, l'une des organisatrices de la marche, de conclure : « Les policiers n'ont pas à faire leur propre justice ».

Du côté de la défense du principal policier mis en cause, on argumentait : « Il y a effectivement une blessure très grave et le fonctionnaire de police que je défends reconnait en être à l'origine. Lui a toujours proclamé que c'était involontaire. Il me semble que les exploitations vidéos qui ont été faites vont dans ce sens ».

La famille de Théo appelait au calme, mais, comme le rapportait le sujet de TF1 ci-dessous, moins d'une semaine après les faits, à Aulnay les tensions se poursuivaient. Théo, lui, confirmait dans ses premiers témoignages la thèse du viol : « Je l'ai vu prendre sa matraque et il me l'a enfoncé dans les fesses volontairement. »

Trois policiers devant la justice

Fait rare, le président de la République François Hollande lui rendit visite. Il en profita pour rappeler que la justice était saisie de l'affaire et qu'« il faut lui faire confiance ».

Les conclusions de l'enquête de l'IGPN, expliquait TF1 dans l'archive ci-dessous, ne purent affirmer avec certitude qu'il y eut un viol délibéré, contrairement à la version de Théo. La juge d'instruction, elle, retenait la qualification de viol.

Pour le policier, c'était un coup involontaire. Éric Dupont Moretti, avocat de Théo (jusqu'à ce qu'il devienne Garde des Sceaux), rétorquait avec le franc-parler qui lui est connu : « Il y a des constatations médicales qui sont claires, nettes et précises. On ne peut pas dire que c'est un accident. personne ne peut soutenir qu'il est allé s'empaler sur la matraque, il faut quand même pas exagérer ».

Trois ans plus tard, comme en témoigne l'archive de France 3 ci-dessous, le parquet de Bobigny écartait finalement la qualification de viol. Et demandait cependant « que trois des policiers soient jugés pour violences volontaires ». Le nouvel avocat de Théo, Antoine Vey, se montrait alors optimiste : « Je me réjouis que le parquet ait une position indépendante et claire. L'opinion publique va pouvoir prendre connaissance du fait qu'il n'y avait aucune justification à cette interpellation et qu'il s'agit en fait d'une agression extrêmement violente et humiliante. »

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